Par Sabina Roman

 

Le problème d’infiltration est un film expérimental de Robert Morin, présenté en première mondiale dans le cadre du Festival international de films Fantasia. Il met en scène Christian Bégin dans le rôle du Dr Louis Richard, un chirurgien esthétique qui travaille avec des grands brûlés. Suite à un rendez-vous avec un patient mécontent du résultat de ses opérations, la vie du docteur Richard est renversée. Son attitude devient toxique et affecte ses relations, autant avec sa femme et son fils qu’avec ses amis proches. Tout au long du film, la folie du médecin l’emporte peu à peu sur sa lucidité, et les situations les plus anodines le troublent plus qu’elles le devraient.

 

Crédit photo : Robert Morin

 

De nombreux jeux de caméra surprennent et réussissent à créer l’ambiance duelle qui oppose la folie du personnage à la réalité. Lorsqu’une situation se retourne contre le personnage, le cadre visuel bascule aussi. Comme spectateurs, on ressent donc le même étourdissement que celui vécu par le personnage, tout cela étant bien reproduit par le cadrage.

 

J’ai toutefois eu de la difficulté à me mettre dans la peau du personnage principal. Lorsqu’il rencontre le patient déçu de ses traitements, il tente de le réconforter avec maladresse ; son discours vire plutôt dans le soutien d’apparat, et la façon dont il est délivré montre de la froideur plutôt que de la sympathie. Cependant, la confusion, la multiplicité des émotions changeantes, la folie enragée qui s’empare de lui par la suite sont très bien véhiculées à l’écran. Bref, dans ce film, Christian Bégin est un acteur dont la théâtralité parfois poussive fonctionne bien pour le jeu de ce personnage qui perd le contrôle de sa vie et qui finit par se déconnecter de la réalité.

 

Crédit photo : Robert Morin

 

Les figures rencontrées dans Le problème d’infiltration m’ont toutefois peu touchée, peut-être à cause du décalage générationnel qu’il semble y avoir entre le public cible du film et moi : le médecin respecté en public, qui risque de se faire humilier à cause d’un patient récalcitrant ;  l’homme qui n’accepte pas que sa femme retourne au travail parce qu’il faut qu’elle s’occupe de l’adolescent troublé à la maison ; le père qui trouve que son adolescent se comporte de façon indécente parce qu’il écoute du rap et s’habille de façon hip-hop… Ces cas vus et revus venaient peu me chercher, puisqu’ils m’apparaissaient comme des clichés souvent répétés dans les films. Et toutes les actions qui les entourent sont inscrites dans une violence que j’ai trouvée déplacée et mal évacuée : on voit que le personnage n’est pas content de la situation dans laquelle il se trouve, et il entre en confrontation avec les gens autour de lui pour évacuer son sentiment d’impuissance envers cela. Il tente de tout contrôler, ce qui finit toujours par devenir une tâche impossible, et cela crée un certain sentiment d’impuissance angoissante chez le spectateur. C’était sans doute l’effet recherché : mais est-ce vraiment l’effet que moi, je recherche en tant que spectatrice ?

 

Bref, l’ambiance créée par les plans de la caméra du Problème d’infiltration est originale, et les qualités du jeu de l’acteur principal ne peuvent être niées, même s’il me donne l’impression de parfois surjouer. Cependant, de façon générale, pour ce qui est de la trame narrative et des thèmes abordés dans ce long-métrage québécois, j’ai eu de la difficulté à me sentir « infiltrée » par l’œuvre.

 

Peut-être que le film saura vous interpeller autrement : si c’est le cas, dites-moi ce qu’il a su éveiller en vous après l’avoir vu ! Il fera partie des projections de la journée de clôture du festival, le 2 août à 20 h 00 au Théâtre D. B. Clarke de l’Université Concordia.

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