
Le festival littéraire international Metropolis Bleu débute aujourd’hui, le 25 avril, et quoi de mieux pour lancer les festivités que de faire la connaissance de l’un de ses auteures vedettes? J’ai eu le plaisir d’interviewer Nell Pfeiffer, auteure de fantasy qui participe dans leur série « Romance, Fantasy et Autres Imaginaires ». Elle a hâte de présenter son dernier roman pour jeunes adultes, Les Cités de Poussière, qui vient de sortir en mars dernier. Elle a partagé avec nous son processus de création d’univers, son audience au Québec et en France, ses expériences à d’autres festivals et son enthousiasme pour le Metropolis Bleu et leur concours de nouvelles intitulé « Planète, mon amour. »
Pour ceux qui n’ont pas encore lu Les Cités de Poussière, comment le décrirez-vous ? Comment est-ce que vous décrirez vos livres en général ?
Nell Pfeiffer: Les Cités de Poussière est une dystopie fantasy dans un monde futuriste. On n’a plus qu’une civilisation avec quatre cités dans le désert: la capitale et les trois cités de mémoire, qui sont la cité des arts, la cité du savoir, et la cité matérielle qui conserve des objets. On a des objets qui ont la capacité d’avoir une poussière magique qui en sort. On a aussi Délia Serpentine, qui est conservatrice dans la cité du savoir et son but est de conserver des objets pour que la cité prospère. Elle continue jusqu’à ce qu’elle retrouve un grimoire qui s’avère être un peu spécial et renferme des souvenirs, et ces souvenirs peuvent potentiellement mener à la destruction des cités. Il y a tout un parallèle assez engagé avec l’invisibilisation de la femme, du changement climatique, et aussi on parle un peu de contraception et de violence conjugale.
Les couvertures de vos trois romans sont très esthétiquement belles, et j’ai remarqué sur votre site web que vous êtes également graphiste et photographe. Avez-vous participé à leur création?
Pfeiffer: À l’époque où j’ai signé avec Hachette Romans, qui est ma maison d’édition en France et qui s’occupe de faire les couvertures, comme je suis très attachée au graphisme, j’eus un mot à y dire. J’ai envoyé un mot d’abord à mes éditeurs, en disant ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas. J’avais donné l’exemple de l’illustratrice Charlie Bowater qui a fait la couverture de Sorcery of Thorns, et donc je me suis dit que j’aimerais vraiment un style qui ressemble à ça. Donc, ça fait en sorte qu’ils ont mandaté une illustratrice française nommée Célia Bourdet. C’est elle qui a fait les trois illustrations de mes livres. Je suis super contente parce que surtout pour L’Engrange-Temps, c’est ce que je cherchais au niveau de la couverture. J’ai donné les idées et après la maison d’édition a fait appel à leurs graphistes pour les compléter.
Pensez-vous que votre passion pour l’esthétique joue un rôle dans votre style d’écriture ou votre processus ?
Pfeiffer: J’ai un côté très visuel quand il s’agit d’écrire une histoire : il faut absolument que j’imagine [dans] ma tête avant. Je vais chercher des images sur Pinterest, par exemple, pour savoir ce que mes personnages principaux ressemblent, quels sont les style des cités, et à ce niveau-là, l’histoire que j’imagine est un film dans ma tête. Il faut que j’imagine les scènes de A à Z, sinon je ne vais pas être capable de l’écrire.

Jusqu’à présent, tous vos livres explorent des mondes fantastiques éloignés du nôtre. À quoi ressemble le processus de création de ces mondes pour vous?
Pfeiffer: En général quand je commence à penser à une histoire, il y a une petite phrase, des bribes d’information concernant Les Cités de Poussière. J’ai été inspiré par un concours d’écriture dont le thème était « l’avenir appartient à la jeunesse. » Pourquoi pas créer un monde futuriste où la jeunesse et la vieillesse rencontreront nos positions? Et donc j’ai pensé à cette histoire de Les Cités de Poussière. J’aime beaucoup l’architecture et j’ai pensé que ce serait vraiment cool de mettre cet amour à l’honneur des cités avec une superbe architecture. Je voulais écrire un roman qui parlait de villes, d’architectures, de la préservation du passé, et après avoir pensé à ces thèmes et aux personnages, petit à petit, je le fais par strat.
Quand je commence à écrire, je vais me retrouver avec des trous de world building et des noms que je dois inventer… Dans le processus, j’ai mon premier jet, le world va se construire, et après je rentre dans qu’est ce qui manque, et je vais upgrader le world building dans la réécriture.
Quel est votre aspect préféré des mondes que vous avez inventé, de l’écriture ou du développement de vos livres ?
Pfeiffer: Je déteste le premier jet, vraiment je ne suis pas capable, mais j’adore la réécriture, parce que ça me permet d’embellir l’histoire. J’aime beaucoup la création de l’univers, penser au personnages, etc, mais c’est vrai que le premier jet est vraiment difficile pour moi.
Je suis très intéressée par la façon dont les objets (comme le grimoire dans Les Cités de Poussière, les horloges dans la duologie L’Engrange-Temps) perpétuent les souvenirs et la magie dans votre travail. D’où vient cette idée ? Allez-vous continuer à l’explorer dans vos prochaines œuvres ?

Pfeiffer: C’est vrai que dans L’Engrange-Temps c’est un sujet de magie que j’aimais beaucoup parce que ça sortait du sentier battu. Il n’y a pas beaucoup d’horloges magiques et je trouve ça hyper intéressant de s’inspirer du réel pour créer la fantasy partout, de tourner aux métiers qui existent. Surtout les vieux métiers, j’aime les tourner dans la fantasy avec un côté très mystérieux et ancien. Je trouve que ça permet aussi au lecteur de s’accrocher à quelque chose de réel, qui permet au lecteur de vraiment plonger dans le monde. Des lecteurs qui ont lu L’Engrange-Temps m’ont écrit: je ne vois plus l’horloge de la même manière, où ça m’a donné envie d’acheter des horloges.
Dans Les Cités de Poussière, on a ce côté de préservation qui passe par le patrimoine matériel, on a ce côté d’objets magiques à conserver. Le traitement des objets dans les deux histoires est différent: dans L’Engrange-Temps, c’est les horloges qui sont magiques et sont animés en plus, dans Les Cités de Poussière, on a des objets inanimés avec une poussière qui s’y échappe. Mais en effet, c’est vrai, je n’ai pas du tout pensé à ce niveau-là, cites a aussi un côté objet magique dans un certain sens. Il y a quand même des distinctions entre les deux, mais je voulais surtout m’accrocher aux choses réelles.
Sur les réseaux sociaux, vous avez partagé des fanarts pour vos œuvres. À quelle fréquence interagissez-vous avec vos fans ? Comment est-ce que vous vous sentez envers votre fandom ?
Pfeiffer: Je trouve ça hyper important pour les auteurs d’aujourd’hui, d’avoir une communauté qui va se tenir au courant quand on va sortir nos livres. Aujourd’hui les réseaux sociaux jouent un rôle hyper important dans la littérature. Sur Tiktok [et] Instagram, il y a des livres qui ont fait des boums extraordinaires et qui ont énormément vendus grâce aux réseaux sociaux. Il y a tellement de livres qui sortent, il faut continuer [à] faire cette communication sur les réseaux sociaux pour continuer de les vendre. Quand j’ai fait mon compte sur les réseaux sociaux, je n’avais pas d’éditeur, donc j’essayais d’avoir une belle communauté de lecteurs sur instagram pour essayer d’attirer les éditeurs. À la fin du compte, ça ne s’est pas passé, je me suis faite publier de manière très traditionnelle.
La maison d’édition a fait une super belle édition au Québec, cartonné et couverture dure, une autre belle édition en France. Il y a beaucoup de lecteurs qui se sont intéressés parce que le roman est très beau, mais il y a aussi ma communauté de lecteurs (en ligne) qui m’ont aidé à avoir une bonne mise en avant. Ça fait en sorte aussi que les gens continuent à me suivre pour mes autres projets. Ça me permet d’avoir une certaine relation, une certaine approche avec ces lecteurs-là, ils veulent toujours se tenir au courant pour les prochaines sorties.
J’ai remarqué que vous étiez au Salon du Livre de Montréal l’année dernière. Avez-vous déjà participé à d’autres conventions ? Si oui, comment est-ce que vous avez trouvé ces expériences ?
Pfeiffer: Oui. D’ailleurs j’ai fait le salon du livre de Québec la fin de semaine dernière et c’est vraiment similaire au salon du livre de Montréal. C’est une bonne chance de rencontrer le public et d’avoir vraiment un retour en live des impressions de lecteurs. J’ai une belle communauté au Québec mais aussi une grosse communauté en France. À chaque fois que je sors un roman, ma maison d’édition française crée une sorte de tournée, parce que je ne vis pas en France; je viens pour un mois et je fais une tournée de dédicaces. Donc là par exemple, le mois dernier j’étais à environ une dizaine de dates en France, dans des villes différentes. À Paris, à Bruxelles, à Genève… Malgré le fait qu’un auteur est généralement assez solitaire dans l’écriture, ça permet de rencontrer les gens, savoir ce qu’ils ont pensé, c’est vraiment agréable. C’est un moment hyper privilégié, que ce soit les salons, les dédicaces, les librairies. Malgré le fait que ça soit très fatiguant, c’est hyper galvanisant comme moment d’inspiration.
Les [conventions] sont une des choses que je préfère le plus dans le travail et aussi pendant les salons, il y a cette possibilité de rencontrer d’autres auteurs aussi. Notamment en France, j’ai beaucoup d’amis, auteurs et autrices françaises; ça me permet de les voir, de discuter ensemble, de partager les tours d’édition. Se voir en vrai, c’est plus important qu’être en ligne sur les réseaux sociaux, ça permet de rencontrer des nouveaux auteurs, et aussi de rencontrer de nouvelles maisons d’édition. C’est une sorte de réseautage important en fait.
Avez-vous déjà visité le festival Métropolis Bleu, en tant que participante régulière ou invitée ?

Pfeiffer: Je ne le connaissais pas du tout. J’ai un peu l’impression, peut-être parce que je participe pour la première fois, qu’il y a beaucoup de gens qui commencent à se connaître. Cette année, il y a une expansion. Il y a aussi beaucoup de publicités sur les réseaux sociaux.
Le thème de Métropolis Bleu cette année est « Temps, Arbre, Page ». Que pensez-vous de ce choix, avec l’accent mis sur le temps et la chronologie dans votre duologie L’Engrange-Temps ?
Pfeiffer: C’est hyper vaste, mais c’est vrai que pouvoir justement mettre l’accent sur le temps, déjà ça permet un épanouissement. Je vois une possibilité de toucher à plein de styles et plein de lectorats différents. Au niveau des arbres, on a tout ce côté écologique qu’on va trouver avec Les Cités de Poussière. C’est un peu rigolo, car ça rejoint mes romans aussi, surtout Les Cités de Poussière. Il y a ce côté très chouette sur l’écologie, la fantasy, et tout ça.
J’ai remarqué que vous et Coltrane Seesequasis avez tous les deux écrit des histoires pour « Planète, mon amour » afin d’inspirer les jeunes auteur.e.s qui participaient au concours. Comment s’est déroulé le processus d’écriture d’une nouvelle (au lieu d’un roman) ? Comment vous est venue l’idée d’un monde sous-marin ?
Pfeiffer: Au départ, je n’étais pas sûre de pouvoir y participer. J’étais dans une situation où j’étais rendue éditoriale, je pensais que ça n’allait pas marcher. En plus, c’est la première fois que j’écris une nouvelle, donc c’est vraiment un défi que je me suis donnée. Une nouvelle de 2000 mots c’est quand même assez court, mais ce qui m’a poussé à accepter c’était aussi le fait que ça allait être enregistré en audio. C’est une belle opportunité et un défi.
Pour l’idée, il faudrait que ça soit fantastique, un petit peu de romance, j’ai essayé de penser à une histoire en particulier. C’est vrai que j’ai passé du temps sur Pinterest à regarder des différents tableaux qui regroupent pleins d’inspirations fantasy. Comme on voulait parler un petit peu d’écologie, on a ce côté de fonte des glaces, qui est vraiment important de nos jours, la montée des eaux et les territoires qui disparaissent. Je me suis dit que je vais parler de ce côté assez dystopique, et du coup avec le côté fantasy, avec des eaux qui ont des démons. J’ai lié ces idées ensemble, et ensuite, il y a un message sous-jacent féministe dans cette nouvelle, sur le fait que depuis le début, il n’y a que des femmes qui se sont sacrifiées pour apaiser les eaux. Je ne veux pas spoiler de plus, mais on découvre à la fin que ça ne devrait pas être les femmes. Ce sont des thèmes très importants pour moi, qui sont liés aux cités d’ailleurs. Donc, la nouvelle est sur la montée des eaux, et Les Cités de Poussière est dans un monde aride, mais ils se ressemblent quand même.
Avez-vous d’autres projets à venir que vous aimeriez mentionner ?
Pfeiffer: Je suis en train de travailler sur mon quatrième roman, qui va sortir en mars prochain. Ce serait duologie, potentiellement une trilogie. Mais je suis vraiment à fond dans cette histoire qui va rejoindre un peu L’Engrange-Temps, c’est inspiré du Studio Ghibli. C’est un mélange entre le Voyage de Chihiro et Titanique. On va avoir ce côté voyage sur un dirigeable très opulent, et cette jeune fille qui veut s’emparer de quelque chose qui s’appelle le brise-tempête. On va mélanger dirigeable et magie de vents, et j’ai très hâte de le faire découvrir à mes lecteurs et lectrices.
Si vous souhaitez rencontrer Nell Pfeiffer en personne au Metropolis Bleu, elle participera à une lecture et entrevue solo le samedi après-midi, suivie d’un panel avec Coltrane Seesequasis et Pascale Lacelle, et terminera la soirée par une séance de dédicaces.