Par Daphnée Lopresti

 

C’est une drôle de coïncidence, et vous ne me croirez donc probablement pas, mais les trois personnalités que je serais le plus heureuse de rencontrer se prénomment John, Joanne et John; respectivement Oliver, Liu et Scalzi. C’est pourtant vrai, et je vous encourage à tous les googler et à suivre leur actualité dans les médias! Ils sont des sources d’inspiration fortes et étonnantes. Et si le blogue culturel des Horizons imaginaires n’est pas vraiment la place où discuter de l’animateur d’une émission humoristique ni de la présidente de Médecins sans frontières, c’est l’endroit idéal pour parler de l’œuvre de John Scalzi, un sujet sur lequel je souhaite m’étendre depuis un bon moment!

John Scalzi : la vitesse à laquelle ses livres emplissent ma bibliothèque n’a d’égal que celle à laquelle ses personnages colonisent de nouvelles planètes.

 

Ma curiosité pour cet auteur américain a d’abord été piquée lors de la soirée du dévoilement des finalistes au Prix des Horizons imaginaires 2018, en septembre dernier. Durant une conversation avec l’auteure Geneviève Blouin, celle-ci a fait un drôle de commentaire sur le roman The Collapsing Empire et sur la manière dont les personnages féminins y sont bien mis en valeur. J’ai mémorisé le titre du roman et le nom de l’auteur en me promettant de rapidement y jeter un coup d’œil, ce que j’ai fait peu de temps après. J’ai avant tout découvert Scalzi à travers son populaire blogue Whatever, pour ensuite dévorer plusieurs de ses romans et nouvelles avec un intérêt croissant. Depuis l’automne dernier, j’ai donc pu lire Agent to the Stars, The Collapsing Empire, Old Man’s war, The Ghost Brigades et plusieurs nouvelles et billets du blogue Whatever.

 

Crédit photo : Daphnée Lopresti

 

S’il y a quelque chose dont j’ai vite pris conscience, c’est l’influence des films sur l’écriture de Scalzi. Ayant côtoyé le monde du cinéma pendant plusieurs années comme critique de films, Scalzi semble s’en être nourri pour bâtir ses œuvres. Par leurs technologies grandioses et leurs personnages aux lignes morales droites, ses romans rappellent les classiques cinématographiques de la science-fiction, en particulier ceux du space opera. Rien de bien surprenant de la part d’un grand fan de Star Trek, qui s’avère aussi être un auteur reconnu pour ses actions positives contre l’intimidation et contre la discrimination (qu’elles soient sur Internet ou dans les conventions auxquelles il participe). Cette attitude lui a d’ailleurs valu le surnom d’« Internet’s troll-slayer », qui évoque à la fois les guerriers fantastiques des contes et des jeux vidéos, et ces individus qui provoquent sciemment la controverse sur Internet dans le but de nuire. Un exemple marquant parmi plusieurs; ayant remarqué la présence continuelle d’un individu aux propos racistes, sexistes et homophobes sur son blogue, Scalzi s’est engagé à remettre 5 $ à des œuvres de charité pour chacun des commentaires discriminatoires de l’internaute. Cette initiative a rapidement pris de l’ampleur, et ce sont 50 000 $ qui ont été remis à divers organismes par l’auteur et son réseau d’amis et de lecteurs. Créative ironie!

 

Mais revenons-en aux livres : les scénarios ludiques et improbables qui font l’œuvre de Scalzi m’attirent beaucoup! Ses histoires sont pleines de passages étonnamment comiques, de rythme, d’action et de mouvement. Les trames narratives que Scalzi réussit à tisser se complexifient souvent de façon étonnante, puisque l’auteur y mêle bien des concepts élaborés, sans toutefois alourdir son récit. Il est donc question du transfert de la conscience, de ce qui définit l’identité humaine ou de la création de super-soldats clonés dans ses romans. Cela ne devient toutefois pas d’ennuyeux casse-têtes éthiques, même si ses œuvres m’ont souvent amenée à reconsidérer mes positions sur plusieurs enjeux sociaux, et à me demander quelles autres options les personnages auraient pu envisager. Dans le contexte rapide de récits haletants, ces réflexions s’arriment à des changements dans le rythme du récit, qui ont capté et maintenu mon attention et qui ont ajouté de la profondeur à l’intrigue. Que penser, par exemple, de la décision de l’officier supérieur Gabriel Brahe de faire lire Frankenstein aux soldats sous ses ordres dans le cadre de leur formation, alors qu’ils sont eux-mêmes génétiquement conçus à partir de l’ADN de femmes et d’hommes décédés? Cette scène de The Ghost Brigades, paru en 2006, est un moment crucial du roman, tandis que leur lecture amène les super-soldats à soudainement se poser beaucoup de questions, tout en donnant un sens nouveau au classique de Mary Shelley. Elle leur fait d’ailleurs comprendre en partie pourquoi les humains naturels ne leur accordent pas toujours leur pleine confiance, surtout en ce qui a trait à des dilemmes moraux.

 

Crédit photo : Daphnée Lopresti

 

À l’image des plus grands films, les romans de Scalzi ont aussi besoin de grands acteurs auxquels l’on peut s’attacher et que l’on peut admirer de loin avec un respect teinté d’excitation. Scalzi m’a habituée à des héros droits, qui apprennent souvent à travailler en équipe et à développer leur sens critique au fil de leurs aventures. Certains des soldats de sa série Old Man’s War ont, par exemple, la capacité de s’intégrer les uns aux autres et de partager de l’information en continu pour parfaire leur travail collectif! L’auteur se distingue également par les antagonistes qui prennent vie sous sa plume et par les épreuves qu’il sait imaginer. Les individus qui se placent en travers du chemin des héros des romans de John Scalzi sont souvent humains et complexes, et cherchent à défendre leur honneur, leur famille ou leurs objectifs religieux obscurs. Ici, pas question d’utiliser un punching bag en guise d’ennemi et de le remplacer au montage par un monstre quelconque. Scalzi nous offre plutôt des chapitres entiers dédiés au point de vue du « méchant », et aux conséquences que l’absence de libre arbitre peut avoir sur les soldats des armées humaines. Enfin, Scalzi réussit également à atteindre une vraie diversité avec ses personnages, ce qui est rassurant, puisqu’on devrait pouvoir s’attendre à cela de la part de quelqu’un qui a l’imagination assez fertile pour imaginer des voyages vers des galaxies lointaines. Les équipages qui s’y rendent ne devraient normalement pas être seulement composés d’hommes blancs, cis et hétéros!

 

Si tout ça vous donne envie de découvrir les histoires de John Scalzi, je vous conseille de lire le roman Agent to the Stars, entièrement disponible en ligne sur le blogue de l’auteur. Le blogue en lui-même mérite également d’être exploré par les curieux parmi vous. Scalzi y est très généreux, que ce soit à travers les œuvres qui y sont accessibles, la vitrine qu’il offre à d’autres auteurs ou ses prédictions en tout genre. Certains textes du site ont d’ailleurs été publiés en 2008 dans Your Hate Mail Will be Graded, un recueil des meilleures entrées de Whatever, paru pour célébrer les dix ans du blogue. À lire les textes, on comprend pourquoi le livre a obtenu le prix Hugo du meilleur livre non-fictif en 2009!

 

Je viens tout juste de recevoir The Last Colony, le troisième roman de l’univers de Old Man’s War et j’ai bien hâte de le lire pour pouvoir vous partager ce que j’en aurai pensé!

 

Révision : Sylvain Liu et Mathieu Lauzon-Dicso