Je n’ai jamais été un grand amateur d’événements brassant de larges publics. Pas particulièrement à l’aise dans une foule, je suis vite submergé par le nombre de stimuli que provoque ce genre de convention. Mais lorsque j’ai vu que le ComicCon de Montréal invitait les Hobbits (Elijah Wood, Sean Astin, Billy Boyd) et Gollum (Andy Serkis) cette année, j’ai décidé de me laisser prendre au jeu. J’ai donc préparé avec enthousiasme mon expédition, sélectionnant mon édition anniversaire du Seigneur des anneaux pour la faire signer par les quatre protagonistes du film de Peter Jackson. Comme je ne fais pas de cosplay, je me suis contenté d’un t-shirt avec une citation du film (“What’s for second breakfast?”) en espérant faire rire Pippin lorsqu’il le verrait.

Samedi au Palais des Congres, © Pierre Bourgault/Montreal Comiccon

Je choisis d’y aller le samedi, en prévoyant y passer une bonne partie de ma journée. Optant pour la marche, j’ai croisé de nombreux fellow ComicConners aux abords du Palais des Congrès, leur pass fièrement exhibé autour du cou. Arrivé assez tôt, j’espérais éviter une trop grande foule, et la récupération rapide de mon pass média m’encourageait dans ce sens. Mais, à peine quelques mètres plus loin, avant même d’arriver au premier étage de l’événement qui n’occupe pas moins de trois étages du Palais des Congrès, le monde commençait à s’amasser. Une première attente avant d’enfin pouvoir entrer.

Sans perdre plus de temps, je me suis dirigé vers la salle où étaient attendus les Hobbits. J’étais un peu en avance, mais j’anticipais une petite file d’attente. Première grosse claque : la salle en question est déjà bondée de monde, environ 300 personnes à vue d’œil. Tous ne sont pas venus voir les Hobbits (il y avait notamment Ian McDiarmid – l’Empereur de la saga Star Wars), mais tous ont eu la même idée que moi. Il y avait même une longue file pour les deux ATM de la salle. J’ai alors pris mon mal en patience et me suis placé dans la file pour les ATM. Une demi-heure plus tard, et sans avoir vu les panneaux avec les prix devant chaque stand à cause de la foule, j’ai saisi le montant de mon retrait : 120 $. Ça me paraissait honnête, même si la personne devant moi avait retiré 400 $. Retour en file, cette fois pour aller voir les Hobbits. Entre-temps, la salle continuait à se remplir, à tel point que même les personnes chargées d’orienter le public ne savaient plus quelle file était pour quoi. Confusion.

Une autre demi-heure passa avant que j’arrive, finalement, près d’une bénévole pour lui demander le fonctionnement exact des files, pour éviter de perdre plus de temps. J’en ai profité pour lui demander les tarifs pour les autographes. Deuxième coup de massue. Andy Serkis, c’était 140 $. Elijah Wood, pareil. Les autres, sûrement dans les mêmes eaux. 140 $ pour une signature. 140 $ pour trente secondes d’échange (si on est chanceux) avec une de ces stars. Et, bien sûr, pas question de prendre des photos. Il faut payer pour ça aussi. Et il faut faire à nouveau la file, un peu plus tard dans la journée. Je suis tombé des nues. Un rapide calcul me donna la nausée. 140 $ par signature (environ trente secondes donc), c’est près de 17000 $ par heure. Le chiffre est étourdissant. Mes ridicules 120 $ m’ont fait rire jaune. Je les ai ré-empochés, piteux, et suis sorti de la salle. Pas de photo, pas d’autographe, pas même de Hobbit aperçu tant la foule était dense.

Les Hobbits et Gollum à l’événement « une nuit dans le shire, » © Pierre Bourgault/Montreal Comiccon

J’ai pris quelques minutes pour reprendre un peu mes esprits. J’étais scandalisé. L’ingénu petit lecteur amateur de fantasy en moi pleurait. J’ai réalisé que ce genre d’événement est un luxe que je ne pouvais pas me payer. Et pourtant, j’ai bénéficié d’un pass média. J’ai fait l’économie d’une autre centaine de dollars nécessaire juste pour accéder au lieu. Je n’ose pas imaginer la quantité d’argent dépensée par tous ces fans pour approcher des personnes qui, bien que charmantes et polies, semblent pour le coup bien inaccessibles.  

J’ai hésité, pendant quelques instants, à quitter les lieux immédiatement. Après tout, j’étais surtout venu pour les voir, eux. Puis, j’ai finalement ravalé ma fierté et me suis rendu dans le hall d’exposition. Ici encore, c’était bondé. Les étalages étaient nombreux et j’ai décidé de faire un tour assez large pour me faire une idée. En bon amateur de jeu de rôle, je me suis arrêté devant une table remplie de dés de tailles, matériaux et formes variées. J’étais tenté. J’ai demandé le prix. 70 $ l’ensemble de sept dés, en comptant la réduction de 10% offerte aux médias. Re-douche. Plus loin, j’ai jeté un œil à des affiches de films : 45 $ l’unité. Et puis, j’ai aperçu ça et là les inévitables figurines Funko Pop!, le stand Bandai, et un espace de jeu pour Lorcana, le jeu de cartes à collectionner signé Disney. Partout autour de moi, des mastodontes du jeu, de la culture pop et geek qui viennent exposer et affichent sans scrupule des prix souvent plus élevés que dans une boutique de jeu locale. 

J’ai retrouvé un bref sourire en visitant la section de jeu Indie. Ici, on retrouvait bien sûr les supports classiques de jeu vidéo (PC, PlayStation, X-Box ou Switch), mais les jeux mis à disposition ont été créés par de petits studios. Les noms étaient méconnus mais les graphismes étaient à la hauteur et le gameplay n’avait pas à rougir devant des jeux AAA. Dans la même zone, j’ai souri encore en apercevant les dinosaures du jeu vidéo : Atari, Amiga, Master System. J’ai même hésité à m’arrêter pour une partie de Pong sur un écran plus pixellisé que la montre à mon poignet. 

Au cours de mon tour du hall, je me suis retrouvé dans la section des artistes. Illustrateur.ices, auteur.ices, photographes, tatoueur.euses et même forgeron.es. Les prix étaient élevés, mais ici j’étais moins outré parce que je savais que ça allait directement à l’artisan.e sans remplir les poches déjà pleines d’un PDG déconnecté du monde des geeks. Je me suis arrêté notamment devant un fabricant de lames qui reproduit les armes portées par des héros de divers films (on retrouve notamment Anduril et Dard, lames bien connues des amateurs du Seigneur des Anneaux). Plus loin, j’ai apprécié les talents d’une tatoueuse qui réalisait des flashs (tatouages éphémères) sur demande : Goku, l’Anneau Unique, un sabre-laser ou encore le médaillon du Sorceleur.

Dalek © Pierre Bourgault/Montreal Comiccon

Finalement, je ne pouvais pas écrire un article sur le ComicCon sans parler des cosplays. Malheureusement, mon énorme déconvenue m’a tellement occupé l’esprit que je n’ai pu apprécier à leur juste valeur les efforts des très nombreux et nombreuses cosplayeur.euses que l’on pouvait croiser à tous les étages de l’événement. Du très simple accessoire rappelant un personnage ou un film aux très élaborés costumes de Darth Vader (Star Wars), de Sauron (Seigneur des anneaux) ou encore de Tanjiro (Demon Slayer), il y en avait pour tous les goûts et pour tous les budgets. Et, bien évidemment, il y avait de nombreux stands qui proposaient des accessoires pour parfaire les costumes. J’avoue que pour ceux-là, je n’ai pas osé regarder le prix. 

Mon expérience au ComicCon s’est donc achevée avec une grosse amertume. Clairement, je ne savais pas dans quoi je m’embarquais. L’enchantement qui m’avait saisi et l’anticipation de la rencontre avec les Hobbits ont éclaté comme une bulle de savon sous la pression capitaliste qui imprégnait la totalité de l’événement. J’ose à peine imaginer le budget que certain.es prévoient pour ce genre de convention, sans parler de celles et ceux qui en font plusieurs par année. C’est donc une grosse claque de réalité que je me suis prise au royaume des geeks. Une chose est sûre, pour le ComicCon, la prochaine fois, je passerai mon tour.