En tant qu’étudiant, j’ai toujours eu des sentiments mitigés à l’approche du mois d’août. C’est le dernier mois de répit avant que le cycle ne recommence, un cycle où le sommeil et la détente cèdent la place aux nuits blanches et au bachotage. Pour beaucoup, Otakuthon représente un dernier hymne aux airs de vacances, un ultime adieu à la chaleur estivale de Montréal.
Nombreux sont ceux qui pensent que la culture japonaise ne touche qu’une petite fraction de la population ici, et à cela je dis que vous auriez peut-être raison… si nous étions encore en 2010. En effet, chaque nouvelle édition d’Otakuthon attire une vague de participants de plus en plus grande, dépassant largement le nombre de visiteurs des années précédentes. Une bonne nouvelle pour l’évènement, certes, mais un véritable désastre pour mon corps intrinsèquement introverti. Nul besoin de mettre les pieds à l’intérieur pour ressentir l’envie de fuir, l’anxiété s’installe à mesure que le serpent de fer engouffre ses proies au fil des arrêts, pour finalement culminer à la station Place d’Armes. Là, dans une envie pressante de s’alléger, le serpent bleu libère finalement les pauvres créatures dans un flot désordonné, toutes zigzaguant vers le Palais des congrès en quête de nouvelles aventures.
Pour ceux et celles qui ont eu l’intelligence, sinon la ruse, de commander leur badge en ligne, vous l’auriez probablement déjà en main avant de pénétrer le donjon regorgeant de chambres inexplorées. Quant aux autres, il vous faudra d’abord affronter les files d’attente saccadées d’aventuriers qui, comme vous, maîtriseront certainement d’ici-là les vertus de la patience. Plaisanteries à part, il faut féliciter les organisateurs de l’événement qui, cette année, ont grandement amélioré le processus d’achat de badges sur place, avec désormais une file spécifique pour les familles et une file express pour ceux qui ont commandé en ligne, mais dont le badge n’a pas pu être livré. Cela a certainement réduit l’embouteillage et accéléré la remise des insignes.
Comme à l’habitude, un horaire de l’événement est glissé dans votre sac promotionnel, rempli de mille et un choix qui vous surchargent au point de créer une véritable paralysie d’analyse. Comprenez qu’il vous faudra accepter l’idée que vous ne pourrez certainement pas participer à tout ce qui y est inscrit, quelle que soit la couleur des activités. Et c’est tout à fait correct ! Ne soyez pas comme moi qui, lors de mes premières années de participation, ne tolérait aucun trou dans mon horaire par peur de ne pas bénéficier du mythe qu’est l’expérience ultime de l’otaku.
Après quatre années à vagabonder vaillamment dans les corridors du Palais, savez-vous ce que j’ai le plus apprécié dans cette nouvelle édition d’Otakuthon? Non, il ne s’agit pas des concerts sublimes qui s’y jouent, ni des marchandises alléchantes qui s’y vendent, rien de tout cela. Il s’agit plutôt de la salle des jeux de société, un endroit que mon jeune moi aurait rapidement négligé en quête de sensations fortes. Et pourtant, dans cette salle illusoirement cacophonique se trouve un havre de paix où il redevient possible de respirer.
La salle est un parfait point de rendez-vous pour des aventuriers désireux de prendre une pause et de se reconnecter autour d’un jeu de table. Pour ma part, j’ai pu y jouer plusieurs parties de mah-jong avec mes amis, et aussi apprendre les rudiments du riichi (la variante japonaise) grâce à un bénévole enthousiaste et désireux d’enseigner. Note aux introvertis sans amis, asseyez-vous simplement à une table où les tuiles de mah-jong (ou n’importe quel autre jeu, vraiment) sont disposées et vous seriez surpris par combien de fois les gens viennent en groupe de trois pour un jeu qui se joue bien souvent à quatre. Ils vous proposeront très souvent une partie. Mes amis, au lieu de refuser ou de prétexter partir, dites simplement oui.
Attention, remarquez que j’ai bien dit prendre une pause et non se mettre en pause, car il serait dommage pour l’aventurier de s’enterrer dans le confort au lieu de poursuivre le combat à l’extérieur (d’autant plus, je vous le rappelle, que vous avez payé un minimum de 50 $ pour les frais d’admission). Prenez le temps de survoler l’horaire afin de sélectionner quelques événements qui, selon vous, valent vraiment la peine d’être vécus et, au risque de me répéter, ne surchargez pas votre emploi du temps!
J’ai pu ainsi participer à de nombreux panels, dont un excellent donné par Me Thomas Burelli, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, qui explorait la présence du droit dans les jeux vidéo. Celui-ci était suivi d’un atelier sur les rudiments de la langue japonaise et la confection d’origamis, animé cette fois-ci par des étudiants du programme de japonais à l’UQAM. Je dois vous avouer que mes talents en pliage laissent à désirer, mais après 30 minutes, j’ai tout de même réussi à réaliser un excellent shuriken en papier, parfait pour un aventurier fictif.
Tout cela pour vous dire qu’il est nécessaire de balancer vos choix d’activité en fonction de votre énergie. Un guerrier introverti aguerri saura alterner entre des événements demandant beaucoup d’énergie et ceux qui en demandent moins. Par exemple, je vous conseille d’assister à un ou deux panels, puis de vous détendre avec le visionnage d’un anime. Répartis sur trois jours, des animes tels que Les Carnets de l’Apothicaire, Solo Leveling ou encore Psycho-Pass parsèment l’horaire et plairont à tous les goûts. Et je dis bien à tous les goûts, car à mesure que la nuit s’approche, des shows yuri et yaoi s’ajouteront également au catalogue des visionnements. Il faudra alors vous munir d’un bracelet 16 ou 18 et plus pour y accéder.
Ma dernière remarque s’adresse à ceux et celles qui vont à Otakuthon surtout pour chasser des trésors dans la salle d’exposition et saisir l’occasion unique de rencontrer des artistes que vous suivez sur X (précédemment appelé Twitter) ou Instagram. Une personne désirant un article particulier ou difficile à obtenir ferait bien d’y aller tôt le vendredi, afin de maximiser ses chances de scorer l’article en question (payez comptant, c’est toujours plus simple). Mais pour ceux qui souhaitent simplement explorer les allées sans objectif d’achat précis, pourquoi ne pas y aller plus tard, vendredi ou dimanche, près des heures de fermeture ? Vous éviterez ainsi les marées de gens qui ralentissent parfois la circulation et pourrez réellement prendre le temps d’admirer les œuvres de chaque artiste sans risquer de fondre sous la chaleur accablante.
Qu’importe si vous y allez pour une seule journée ou pour la fin de semaine entière, Otakuthon regorge d’activités qui plairont certainement à tous et à toutes. Tout compte fait, vous n’y mettriez pas les pieds si vous n’étiez pas un tant soit peu intéressé par la culture japonaise. Et un peu, c’est tout ce qu’il vous faut, car nul besoin de s’abreuver de savoir avant de trouver le courage de participer à un tel événement. Après tout, il est difficile de s’imaginer que les 30 000 participants affluant annuellement les corridors du Palais soient tous des experts ! Venez pour explorer, restez pour apprendre, et puis, revenez si vous en voulez plus? Curieux comment Otakuthon se résume, au final, à si peu de choses… (rires)