Par Arshia Kakkar

 

Préparez vos accessoires de cosplay et vos connaissances en matière d’animé, puisque la treizième édition d’Otakuthon commence dès aujourd’hui au Palais des Congrès de Montréal ! L’événement mettra à l’honneur de nombreuses facettes de la culture nipponne, comme l’animation japonaise, les mangas et la J-pop. La convention accueille quelques dizaines de milliers de personnes chaque année et elle est considérée comme l’un des principaux festivals de l’été à Montréal. Juste à temps pour l’ouverture officielle d’Otakuthon 2018, j’ai eu la chance de poser quelques questions à la coprésidente de la convention, Amanda Arizza, pour en apprendre davantage sur elle et sur cet événement, dont elle s’occupe depuis le début.

 

Arshia : Bonjour, Amanda ! Comment décririez-vous Otakuthon, en tant que personne à la tête du projet depuis 2006 ?

 

Amanda : Otakuthon a réussi à rassembler une communauté. Quand j’ai commencé à mettre en place Otakuthon, il n’y avait pas vraiment de communauté autour de la culture de l’animé à Montréal. Durant mes années au cégep, à Marianopolis, j’étais déjà une très grande fan de la culture pop japonaise, c’est pourquoi j’ai créé le « Marianopolis Anime Club », pour lequel j’ai organisé un voyage à Anime North, une convention à Toronto. Ensuite, quand je suis allée à l’Université Concordia, j’ai rejoint l’Anime Club, un des premiers du genre. En effet, à l’époque, c’était encore assez rare. En 2005, j’ai eu l’idée de lancer une convention spécifique à la culture pop japonaise. L’Université Concordia disposait de grandes salles de projection où on pouvait présenter des dessins animés aux étudiants. Et c’est comme ça qu’Otakuthon a débuté. Je pensais alors qu’il n’y avait pas beaucoup d’autres fans d’animé à Montréal, qu’il y aurait peu de spectateurs à l’événement, mais finalement, c’était tout le contraire ! C’est plutôt qu’il y avait beaucoup d’amateurs qui ne réussissaient pas à trouver de communauté pour eux et pour leurs goûts, que personne n’avait pris le temps d’organiser quelque chose de rassembleur. Et cette communauté est devenue beaucoup plus forte et plus grande au fil du temps, entre autres grâce à Otakuthon.

 

Les coprésidents d’Otakuthon, Amanda Arrizza et Stefan Latour – Crédit : Otakuthon

 

Arshia : Pour les personnes qui, comme moi, ne connaissent pas grand-chose à la culture pop japonaise et à l’animé, qu’est-ce que l’expérience Otakuthon peut apporter?

 

Amanda : Un de nos mandats est de promouvoir la culture japonaise, autant son expression populaire que traditionnelle, et que ce soit pour les néophytes comme les grands amateurs. À Otakuthon, il y a donc plusieurs activités d’initiation. Par exemple, nous proposons toujours un atelier d’introduction à la langue japonaise. Il y a aussi beaucoup de panels et d’ateliers qui peuvent guider les visiteurs à travers les différentes techniques du cosplay, de l’origami, etc. Également, pour les séances de visionnement des séries animées, nous prenons soin de faire la projection des premiers épisodes de chacune, avant de montrer des épisodes plus tardifs, pour permettre aux nouveaux auditeurs de mieux les découvrir. Bref, la convention s’adresse à tout le monde !

 

Arshia : Donc à votre avis, Otakuthon offre une expérience que tout le monde peut apprécier ?

 

Amanda : Tout à fait ! Nous offrons une variété de programmes aux non-initiés que tout le monde peut apprécier. D’année en année, nous essayons de diversifier Otakuthon, en proposant des ateliers dans lesquels chaque personne peut apprendre quelque chose de nouveau. Même si l’objectif principal d’Otakuthon demeure la promotion de la culture japonaise, nous essayons de fournir des activités pour tous, comme des espaces réservés aux jeux vidéo, aux jeux de société, etc. C’est une expérience complète. C’est beaucoup de travail à organiser, mais ça en vaut la peine !

 

Arshia : Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour la culture japonaise ?

 

Amanda : Je suis née dans les années 1980 et j’adorais regarder des dessins animés occidentaux. En grandissant, j’ai commencé à remarquer que la qualité des dessins animés diminuait avec le temps. Les histoires me paraissaient trop simplifiées, les personnages manquaient de profondeur. Je dois admettre que le jour où la chaîne YTV a diffusé Sailor Moon, un dessin animé japonais extrêmement populaire, j’ai été stupéfaite. Je suis tout de suite tombé sous le charme du style artistique, nouveau pour moi. Surtout, je ne m’attendais pas à une histoire aussi bien développée, aussi complexe. Malheureusement, YTV a interrompu la diffusion de la série, mais celle-ci continuait toujours de jouer au Japon. Et j’ai donc dû faire des pieds et des mains pour trouver les coffrets DVD, en visitant des boutiques du quartier chinois, notamment. C’était l’époque des forums de discussion en ligne, les sites Web traitant d’animation japonaise étaient, logiquement, surtout en japonais, et les auditeurs occidentaux n’étaient pas pris en compte par les producteurs ou les distributeurs. Puisqu’il n’y avait pas de sous-titres, j’ai été en quelque sorte forcée d’apprendre le japonais poursuivi mon plongeon dans le monde des animés.

 

Arshia : Pourquoi croyez-vous que les animés et les mangas sont si populaires chez les jeunes ?

 

Amanda : Otakuthon accueille de nombreuses personnes, mais la majorité de nos visiteurs sont des adolescents et de jeunes adultes[1]. Selon moi, les mangas et les animés sont très populaires parce qu’ils proposent souvent des histoires élaborées et complexes. On peut voir la différence entre la façon dont l’animation américaine est produite, et la façon dont les émissions japonaises sont faites : les animés et les mangas sont plus profonds que les séries animées américaines. Et malgré tout ce qu’on peut parfois entendre, les jeunes spectateurs et les jeunes lecteurs préfèrent les personnages complexes, les intrigues bien développées. Ils aiment se sentir investis dans les histoires.

 

Arshia : Qu’est-ce qui distingue Otakuthon des autres conventions comme Comiccon (Montréal) ou Anime North ?

 

Amanda : Otakuthon met vraiment de l’avant les performances. Nous essayons aussi de donner beaucoup de place aux artistes japonais qui viennent à la convention à titre d’invités d’honneur; venir à Otakuthon, c’est avoir la chance de rencontrer des créateurs qu’on admire et qu’on n’aurait normalement pas la possibilité de rencontrer si facilement, notamment à cause de la distance. On reçoit donc des musiciens, des mangakas, des professionnels de l’industrie au Japon, qui vont participer à des concerts, à des discussions, à des rencontres avec le public, etc. Nous nous efforçons aussi d’avoir des invités locaux à certains événements, pour rendre compte du travail des créateurs d’ici, en plus de tenir une Place des artistes, où les visiteurs peuvent rencontrer plusieurs illustrateurs et artisans de la région. Nous n’invitons toutefois pas les mêmes gens deux fois de suite, parce que nous essayons d’offrir au Québec une sélection d’invités qui varie d’année en année.

 

Arshia : Comme vous l’avez mentionné plus tôt, vous étiez auparavant une étudiante du collège Marianopolis, où est justement basée l’équipe des Horizons imaginaires. Est-ce que vos années à ce collège ont eu une influence sur votre projet ?

 

Amanda : Je pense que Marianopolis a été le point de départ d’un rêve qui est devenu réalité. Je dirigeais le « Marianopolis Anime Club », et pour ce faire, je devais rapidement apprendre à être indépendante et responsable. C’est comme présidente de ce club à Marianopolis que j’ai aussi pu entrer en contact avec l’équipe du club universitaire de Concordia voué à l’animation japonaise, des gens grâce à qui la première édition d’Otakuthon a pu avoir lieu. Et je ne sais pas si je devrais dire ça, mais je me souviens avoir rempli ma demande d’admission à l’Université Concordia en grande partie à cause de l’existence de ce club ! Il y a aussi le fait que lorsqu’on est au cégep, on devient enfin adulte et on y peut se faire entendre; du moins, c’est ce que j’ai appris à Marianopolis. De plus, puisque l’année scolaire se terminait en mai plutôt qu’en juin, je pouvais enfin aller à Anime North à Toronto, ce qui était incroyable !

 

Arshia : Horizons imaginaires est un projet dédié à la science-fiction et à la fantasy, surtout littéraires. Y a-t-il quelque chose qu’Otakuthon fait qui est lié à ces genres ou à la lecture ?

 

Amanda : Ça dépend. Nous avons une bibliothèque de mangas, la mangathèque, dont la collection permanente est impressionnante. Vous pouvez y emprunter des livres et y lire dans un espace tranquille durant toute la convention. Certaines années, nous invitons également des chercheurs universitaires dans le cadre de conférences ou de tables rondes sur la littérature japonaise, pour qu’ils puissent venir parler de leurs travaux. Ceux-ci sont parfois liés à la fantasy et à la science-fiction. Et en règle générale, ces deux genres sont très présents dans les mangas et dans les séries animées japonaises.

 

Illustration officielle d’Otakuthon 2018 – Crédit : Zearyu

 

Arshia : Est-il déjà possible de savoir quels sont vos prochains objectifs pour Otakuthon ? Que voyez-vous pour son avenir, avec tant de bonnes choses déjà réalisées ?

 

Amanda : Nous voulons que la convention Otakuthon soit encore plus reconnue qu’elle ne l’est en ce moment. Il est difficile de vous donner un ensemble d’objectifs précis, car nous avons déjà atteint la plupart de nos cibles. Je pense toutefois que si la structure du Palais des Congrès s’agrandissait, avec l’ajout de nouvelles ailes par exemple, nous pourrions facilement ajouter d’autres choses à notre programmation, en faire encore plus. Il est difficile pour nous de croître davantage actuellement, puisque nous occupons déjà la majorité de l’espace, et il n’y a pas vraiment d’endroits plus grands que le Palais des Congrès, à Montréal. Par contre, il y a une chose sur laquelle je veux et je peux me concentrer cette année, et c’est l’expansion et la sélection du personnel. Nous avons déjà environ 400 bénévoles qui organisent la convention avec nous durant l’année, sans compter les bénévoles du jour pendant la fin de semaine de la convention. Améliorer le recrutement de nouveaux bénévoles, voire d’employés serait donc un bel objectif à atteindre.

 

Révision : Mathieu Lauzon-Dicso

 

[1] NDLR En 2017, la convention a reçu 22 065 visiteurs uniques; 73 % d’entre eux avaient moins de 25 ans.

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