Sortir la suite d’un succès commercial douze ans plus tard est un acte complexe. En douze ans, les réalisateurs.es changent, mais également le marché, et rien n’assure que les nouvelles attentes du public s’accoupleront aux volontés artistiques des réalisateur.es. s. Après tout, l’art n’est pas chimique, mais émotif, et aucune suite de pourcentages ne permet de faire « la suite parfaite ». Avec le mégasuccès d’Avatar de James Cameron en 2009, une suite était plus qu’attendue pour les amateur.es.s de science-fiction, mais l’attente s’étirant laissait craindre d’assister à une postlogie Star Wars et non un Terminator 2. Et parce que c’est justement James Cameron qui cache derrière Terminator 2, mais aussi Aliens, j’ai bien voulu donner sa chance au deuxième opus de son projet de vie, Avatar : la voie de l’eau. Et si ce nouvel opus montre bien qu’il a compris ce qui avait fait la force du premier, on ne peut s’empêcher de plaindre le peu qu’il en ajoute.
Le film prend place quinze ans après le premier volet, et occupe ses premières minutes à introduire la nouvelle vie familiale de Jake, devenu chef des Omaticaya, et de la princesse Neytiri, sa femme. Mais alors qu’ils vivent heureux et ont beaucoup d’enfants, l’organisation militaire du premier film revient exploiter la belle Pandora afin de la rendre habitable pour l’exode humaine. Mais alors que les Na’vis résistent, une troupe militaire menaçante fait son apparition : des Avatars auxquels on a implémenté les souvenirs et une partie de la conscience des méchants du premier volet. afin de protéger sa famille des méchants qui le pourchassent Jake doit s’exiler dans le clan océanique des Metkayina.
Le film repart sur des bases certaines, nous faisant découvrir une nouvelle section de Pandora toujours aussi luxuriante et magnifique, offrant des scènes d’actions maitrisées et divertissantes, sans oublier les effets spéciaux toujours aussi impressionnants ! Mais c’est aussi ici que résonne le glas de sa première faiblesse — où trouver plus ? Et pourtant, le film débute bien avec l’introduction des Metakayina, clan océanique des Na’vis, et leur village Awa’atlu, offrant une myriade de nouvelles possibilités à faire rêver, mais l’originalité s’arrête pas mal ici dans une sorte de frustrant cul-de-sac. Le public avait aimé la connexion des Omaticaya à l’Arbre-Maison, alors ils font pareil… mais sous l’eau. Les gens ont aimé les toruk, ces prédateurs des airs qui s’attaquaient aux vaisseaux humains avec lesquels les Na’vis pouvaient créer un lien afin de s’en servir comme monture ? Et bien le film en introduit une nouvelle variante… sous-marine. Mettre un gâteau sous l’eau n’en fera pas un nouveau gâteau; ce sera juste un gâteau sous l’eau et ce manque de fantaisie nous laisse sur notre faim en sortant de la salle. Malgré des paysages numériques d’un réalisme époustouflant de physique organique, l’avarice inventive du métrage laisse néanmoins avec l’impression que certains moments tiennent moins d’une imagerie numérique réussite qu’à une incrustation maligne d’images d’un documentaire sur la faune et la flore aquatique de la National Geographic. Je sais que nous avions été prévenue, Cameron ayant soufflé devoir recycler des idées du premier films, mais je m’attendais à plus de nouveauté pour mieux nous faire passé la pillule.
Si les effets spéciaux sont au rendez-vous, force est de constater que le scénario a manqué son bus. Et pourtant, l’élément déclencheur apporte avec lui une pléthore de nouveaux personnages et de situations chargées en drames prometteurs. Cependant, cette colonisation renouvelée de Pandora est bizarrement mise à l’arrière-plan au profit d’une histoire de vengeance et de protection sur fond de daddy-issues. Mise à part lancer l’intrigue, leur arrivé ne change pas grand-chose à l’univers, nous laissant avec l’impression que le film fait trois heures de surplace, ou, de manière plus optimiste, met en place pour les opus à venir. C’est d’autant plus dommage que le point central du film, toutes les thématiques environnementales et des relations entre les êtres, ne dépassent pas vraiment ce que le premier film avait déjà accompli malgré le temps qui a passé depuis. À force de faire du copier-coller, on stagne.
Un autre bon exemple de cette sensation de préparation se trouve avec les arcs narratifs des métisses. Tout du long, on nous montre des métisses Avatar, issus d’une sorte d’accouplement entre Na’vis pure-sang et Na’vis artificiels. Leur statut de métisse affectent les relations sociales des personnages, pesant sur leur mental; ils sont souvent moqués et rabaissés par les pure-sangs, et n’ont pas toujours de contacts avec leurs parents, ceux-ci étant tenus dans des comas artificiels pour les maintenir en vie après la fin du premier opus. Si cette tension identitaire permet d’exécuter l’happy-end 101 des bonnes fins avec l’acceptation des métisses par les Metkayina, c’est néanmoins non sans laisser l’impression de revoir une partie de l’arc de Kyle dans le premier film. Les souvenirs qu’ils ont de leurs propres parents — fournie par l’équivalent de l’Arbre-Monde chez les Metkayina — les doutes et leurs troubles intérieurs sont, certes, reliés à l’acceptation du clan, mais aussi à l’acceptation de l’identité de leurs parents qu’ils n’ont, finalement, jamais connu. Encore une fois, le premier film avait déjà exploré ces thèmes et, encore une fois, à force de faire du copier-coller, on stagne. Si Avatar : la voie de l’eau est un film aussi ambitieux que son prédécesseur, difficile de dire qu’il fait vraiment plus. Sur ce point, il constitue une suite pauvre et un divertissement agréable, bien que sa qualité soit variable par, entre autres, sa faible prise de risques – le film ayant beaucoup d’ambitions mal placées. S’il demeure divertissant, et que comme simple film de divertissement on le laisserait aller avec une tape dans le dos, il se trouve être la suite d’Avatar. Il essaie, il essaie, mais ne réussit qu’à nous resservir la même recette qui, copier-coller, finit par stagner. Certes, Cameron avait souvent répété recycler des éléments du premier film pour construire sa suite, mais de là à copier-coller sans approfondir… Aurons-nous le droit à ce genre de répétitions pour les trois prochains films? Cameron a déclaré il y a longtemps que chaque film nous ferait découvrir de nouvelles cultures extraterrestres, allant même jusqu’à quitter Pandora; passerons-nous tout notre temps à être introduits à différentes cultures au milieu de films se commençant et s’achevant par la guerre ?