Par Ila Ghoshal
De Poudlard à Roke, les écoles de magie sont presque omniprésentes dans la fantasy. Dans la plupart des romans, l’école est présentée comme un refuge et semble être le lieu où se cache la solution aux problèmes auxquels le protagoniste fait face dans sa vie personnelle. Les Magiciens, un roman de fantasy de Lev Grossman, nous montre un autre côté de l’apprentissage de la magie. Paru en 2009 chez Viking Press, puis traduit en français aux Éditions L’Atalante en 2010, ce livre, qui a été décrit comme étant un « Harry Potter pour adultes » par Michael Agger du New York Times, est le premier tome d’une trilogie, que complètent Le Roi Magicien et La Terre du Magicien.
Quentin Coldwater, un adolescent brillant, semble destiné à intégrer une des prestigieuses universités de l’Ivy League. Par contre, Quentin est constamment mélancolique, et sa vie personnelle laisse à désirer : Julia, de qui il est amoureux, lui a préféré James, son meilleur ami. La série de romans pour enfants Les Chroniques de Fillory est son seul refuge. Un jour, au lieu de passer une entrevue pour Princeton, Quentin se retrouve plutôt à réussir l’examen d’admission pour Brakebills, une université où l’on enseigne la magie. Au cours de ses quatre ans à Brakebills, Quentin découvre que la magie est une chose complexe qui s’apparente à une discipline scientifique. Durant ce temps, il se fait aussi des amis : Elliot, Josh, Janet et Alice. Après leurs études, Quentin et ses amis vont à Manhattan et y adoptent un mode de vie hédoniste fait de sexe, de drogues et d’alcool, jusqu’à ce qu’ils apprennent que Fillory existe vraiment.
De façon générale, la lecture de ce roman a été une expérience positive. Les Magiciens aborde des thèmes plutôt matures, qui sont presque entièrement absents de romans apparentés, comme ceux de la série Harry Potter ; je pense ici à la sexualité, notamment. Ces thèmes plus matures contribuent à la perspective beaucoup plus acide de l’adolescence présente dans le roman, et ils ajoutent à la représentation des écoles de magie une certaine dose de réalisme qui y manquait auparavant. Toutefois, c’est surtout la tangibilité de la « vie post-diplomation » que j’ai trouvée très réussie : le gaspillage de potentiel, la réalisation par les héros que la plupart d’entre eux ne savent pas ce qu’ils vont ou veulent faire de leur vie… Grossman nous montre que la magie n’est pas une panacée : contrairement à ce qu’on s’imagine quand on est plus jeunes, elle ne peut pas faire disparaître tous nos problèmes.
Par contre, le rythme de l’histoire est trop rapide. Pour cette raison, j’ai eu l’impression que la plupart des personnages ne sont pas décrits suffisamment en détail et qu’ils ont la tendance très énervante de disparaître sans raison, comme Julia, qui quitte complètement le récit après sa déchéance avant de ne réapparaître qu’à la toute fin du roman, car elle a un rôle important à jouer dans le prochain tome. Par ailleurs, Grossman aurait pu en faire davantage dans la création de son univers : Brakebills et le monde de Fillory ne sont pas explorés en profondeur, et je n’ai donc pas ressenti le sentiment d’émerveillement qui caractérise normalement la lecture des romans de ce genre. De plus, selon moi, le roman souffre des comparaisons avec ceux des séries comme Harry Potter ou Le Monde de Narnia, malgré qu’il se présente comme une version plus sombre de ces derniers. En effet, même s’il est relativement bon, le roman Les Magiciens n’a pas la même force que ces romans, qui demeurent des classiques de la fantasy à mes yeux. Heureusement, le style de l’auteur est facile et plaisant à lire. De plus, ce roman nous présente une version plutôt réaliste de ce à quoi ressemblerait l’étude de la magie. Bref, il s’agit d’une lecture intéressante qui a l’originalité de détourner le cadre romanesque des écoles de magie.