Présélectionné pour le Women’s Prize for Fiction en 2020, le roman A Thousand Ships de Natalie Haynes raconte les histoires des femmes « oubliées » de l’Iliade et de l’Odyssée. Les amateurs.trices de la mythologie grecque y reconnaîtront plusieurs noms, car on y suit, de manière plus ou moins brève, des déesses, nymphes et mortelles qui se sont retrouvées prises dans la guerre de Troie ou dans les péripéties qui l’ont entouré.

C’est Calliope qui nous raconte ces histoires à travers un poète plus ou moins satisfait des images que sa muse lui fournit, bien que cette dernière soit plus préoccupée à assurer la survie des histoires des femmes que de son poète. Les petits commentaires qu’elle nous fait, parsemés à travers le livre, donnent l’impression de faire partie d’un secret, mais soulignent aussi à quel point les histoires peuvent facilement laisser tomber des personnages fascinants à cause de leur genre.

Certaines femmes ont des histoires très courtes, comme celle de Creusa, une femme de Troie qui ne survit pas au massacre de sa cité. Dans d’autres histoires, la narration s’étire sur l’entièreté du roman, comme celle de Pénélope, qui nous raconte ses expériences à travers des lettres qu’elle écrit à son mari. Ce récit épistolaire fait presque un résumé de l’œuvre d’Homer. La plupart, cependant, se coupent et s’entrecoupent à travers des points de vue alternatifs. Les femmes qui ont survécu à la destruction de Troie commencent leurs récits ensemble, mais se retrouvent plus tard à entrecouper leurs récits avec des femmes grecques après la chute de Troie. Ainsi, Cassandra se retrouve à lier son récit à celui de Clytemnestra, femme d’Agamemnon. 

J’ai adoré cette perspective féministe de la guerre de Troie qui survole les trames narratives de l’Iliade et de l’Odyssée. Les divers récits laissent des personnages méconnus une chance de parler, illustrant à la fois les atrocités de la guerre et la force des émotions que soulèvent les moments les plus difficiles. Ces histoires évoquent la peine, le respect, la haine et l’amour qu’ont les personnages entre eux et pour leur situation à travers des détails et des échanges qui captivent l’attention.

Bien que A Thousand Ships ait beaucoup plus de personnages narratifs qu’un roman aurait en temps normal, j’ai trouvé que l’auteure faisait ressortir la personnalité et la voix de chacune. Je me retrouvais captivée par les histoires de chacune des narratrices, que je connaisse d’avance sa fin ou pas. Elles évoquent des portraits complets de femmes préoccupées par leurs histoires de courage, de trahison et de revanche, une épique de guerre sans qu’elles aient besoin de mettre une armée complète à leurs ordres. 

Je ne crois pas que ce soit nécessaire d’avoir une connaissance approfondie de la mythologie grecque ni de la guerre de Troie pour saisir l’essence du roman, mais je reconnais qu’avoir une base sur les histoires des personnages connus aide certainement à la compréhension de la trame narrative du conflit. Comme la plupart de ses contemporains, cette épique fournit une liste des personnages importants et leurs liens familiaux et matrimoniaux, ainsi que leur nationalité, au début du livre. Mais comme l’histoire n’est pas racontée de manière chronologique, il est parfois pertinent de savoir à quel moment se sont déroulés certains événements-clefs, surtout ceux qui sont traités plus brièvement. 

A Thousand Ships est une œuvre créative et complète, à laquelle je reproche seulement d’être trop courte, puisque j’aurais facilement lu le double. Si la réécriture de la mythologie grecque vous intéresse, je vous conseille une autre œuvre de Natalie Haynes, Pandora’s Jar, qui remet en question les femmes désobligeantes des mythes grecs et qui s’avère être ma prochaine lecture de cet été.