Par Tiffany Qian
Afin de bien asseoir le tout premier dossier thématique de la revue des Horizons imaginaires, un dossier qui traite des liens entre les cultures de l’imaginaire et le monde étrange de l’école, nous avons interviewé neuf auteurs de science-fiction et de fantastique du Québec et de France, qui ont gracieusement accepté de répondre à nos questions. Évidemment, il ne s’agit pas de neuf choix aléatoires, puisque tous ces écrivains pratiquent le métier d’enseignant ou l’ont pratiqué pendant un certain moment ! Et ils ont beaucoup à nous dire de la position ambivalente qu’ils occupent…
Horizons imaginaires : Comment vous présenteriez-vous à nos lecteurs en tant qu’auteur ? Comment présenteriez-vous l’enseignant que vous étiez ?
Patrick Senécal : Je suis un auteur organisé, discipliné, qui écrit des romans très sombres sur la nature humaine et qui pratique un métier très solitaire. Comme professeur, j’étais spontané, parfois dernière minute, mais bon communicateur, et ce qui me plaisait le plus était de partager ma passion avec les gens. Donc, autant comme prof que comme écrivain, c’est la communication qui m’intéresse le plus.
Horizons imaginaires : D’après vous, laquelle de vos deux positions – auteur ou enseignant – est la plus pédagogique ? Laquelle vous amène le plus à instruire ?
Patrick Senécal : Celle de professeur, bien sûr. Je n’ai jamais eu la prétention de vouloir instruire les lecteurs avec mes romans. Un romancier qui veut instruire, je trouve que ça se prend un peu trop au sérieux. Certains de mes livres peuvent faire réfléchir ou analyser certains comportements humains, mais je veux surtout divertir. L’enseignement était le contraire : je voulais bien divertir mes étudiants, mais le but premier était de leur apprendre des choses. Et pas juste des choses sur la littérature, mais sur la vie en général.
Horizons imaginaires : Diriez-vous que les thèmes de l’école et du scolaire en général ont une présence marquante dans les littératures de l’imaginaire ?
Patrick Senécal : Pas tellement, en tout cas pas celles que je lis. Sauf les romans de genre pour adolescents, bien sûr, où l’école est souvent très présente et très souvent un lieu de conflits et de problèmes. Mais dans les romans de genre pour adultes, l’école et le scolaire ne sont pas des thèmes si importants, ils sont plus des décors.
Horizons imaginaires : Comment votre expérience en tant qu’enseignant a-t-elle nourri votre expérience en tant qu’auteur ? Et vice-versa ? Y avait-il un quelconque aspect surnaturel dans la profession d’enseignant ?
Patrick Senécal : C’est difficile à dire. Je crois en fait qu’il s’agissait plus d’un équilibre : enseigner est un travail collectif, l’écriture est un travail solitaire. L’enseignement doit être objectif et basé sur des faits, alors que l’écriture permet à l’imaginaire de prendre le dessus. Mais justement, grâce à cet équilibre, mon métier de romancier faisait de moi un enseignant un peu plus imaginatif, un peu moins rationnel, et l’enseignement m’a aidé à organiser mes journées d’écriture, à établir des échéanciers précis.
Horizons imaginaires : Lequel de vos livres auriez-vous aimé lire à notre âge (16-20 ans) ?
Patrick Senécal : Ah, ah! À seize-vingt ans, j’aimais déjà beaucoup les romans noirs. Donc j’espère que je les aurais tous aimés ! Mais je pense que le côté totalement déjanté d’Aliss m’aurait plu, surtout qu’il parle d’une fille de 18 ans qui se pose beaucoup de questions. De même que la série Malphas m’aurait sans doute plu, car elle se passe dans un cégep où tout le monde est bizarre : le mélange de sang et d’humour m’aurait comblé.