The Wizard’s Brew de Jordan Reed est une histoire sombre et percutante qui m’a gardé accrochée du début jusqu’à la fin. En tant que fan d’histoires mélangeant le mystère et la fantasy urbaine, comme The Dresden Files, j’ai été immédiatement attirée par le résumé de ce livre. Paru le 24 mai, ce roman est pour l’instant uniquement disponible en anglais. L’écriture est toutefois très accessible, et conviendra certainement aux lecteur.rice.s ayant une maîtrise intermédiaire de la langue anglaise.
L’intrigue de l’histoire est simple : Zane Vrexon, un détective privé souffrant de difficultés financières, reçoit une lettre d’un vieil ami, Dennis, ce dernier craignant que sa femme soit en danger. Le jour d’après, Dennis est retrouvé mort dans son magasin de potions, tué par un poignard magique; sa veuve Vana devient, par le fait-même, la suspecte numéro un. Zane, lié à Denis à la fois par son amitié et par son emploi, prend l’affaire en charge et constate que le mystère va beaucoup plus loin qu’il soupçonnait.
L’univers créé par Reed est aussi riche que fascinant. Bien que l’histoire se déroule dans une ville urbaine, elle est pourtant très éloignée de notre monde. La ville d’Alviun, capitale de l’Empire, est certainement un endroit sombre. Les usines et les maisons crachent constamment de la fumée, cette dernière rejoignant les pluies de cendres et de crasse dans le but de créer un atmosphère qui évoquera certainement les villes industrielles de la fin du XIXe siècle.
Le premier chapitre de l’histoire, suivant Zane pourchassant un voleur dans les rues sombres, est une excellente introduction pour ce personnage, démontrant son dévouement à son travail, ainsi que sa culpabilité pour certains des actes qu’il doit faire afin de survivre. Malgré le fait qu’il soit un soldat et un détective, Zane est incapable de protéger ceux qu’il aime des horreurs de la vie et se retrouve obligé de blesser des gens avec qui il sympathise afin de gagner suffisamment d’argent pour survivre et alimenter sa dépendance aux potions de guérison.
Je tiens également à mentionner l’excellente conceptualisation de la magie dans ce livre. La présence à la fois de sorts prononcés verbalement et de baguettes, utilisées comme armes à feu, rend la magie beaucoup plus accessible au grand public. Ces éléments contribuent également à rendre le système sur lequel se base la magie beaucoup plus complet et substantiel. Le roman explore également la magie féerique, également connue sous le nom « Fey ». Il s’agit d’une forme d’arcane ancienne, mystérieuse et mal comprise, qui est retrouvée dans le poignard qui a tué Dennis. Les couches complexes de la magie rendent l’histoire plus intrigante, et la popularisation de la magie dans le monde créé par l’auteur est un élément que j’ai beaucoup apprécié.
J’aime vraiment la façon avec laquelle Reed joue avec le trope du vieux détective classique dans la création de son personnage principal. Le protagoniste est un vétéran blasé et fatigué de la Guerre des Goules, avec des cicatrices physiques et mentales résultant de ses années de service. Ces cicatrices jouent un rôle important dans la vie de Zane; partiellement handicapé, ce dernier doit se munir d’une canne pour se déplacer. Cette caractérisation du personnage reste cohérente tout au long de l’histoire; Zane souffre de douleur s’il se retrouve sans canne, rendant sa marche beaucoup plus pénible plus tard dans le récit.
La douleur chronique a également conduit Zane à une dépendance aux potions de guérison, avec laquelle il se débat tout au long du récit. L’auteur parvient à peindre Zane comme étant une personne intéressante, quoique imparfaite. Reed ne cherche pas à justifier ses actions négatives ni à glorifier sa dépendance. Un détective pur et dur, Zane endosse également le rôle d’un anti-héros; il est toujours gentil et n’a pas peur de s’exprimer, bien qu’avec quelques maladresses par moment.
Reed est définitivement doué dans le développement de ses personnages. L’auteur choisit de ne pas délaisser même les personnages secondaires, tel que Mme Mose, la propriétaire de Zane. Cette dernière reçoit des scènes qui la fait passer d’une figure d’arrière-plan un personnage tridimensionnel. Les allusions à la vie et aux différentes perspectives des autres personnages enrichissent le monde de The Wizard’s Brew, le remplissant de mystères à explorer.
Même si Zane est le protagoniste, l’histoire alterne entre trois points de vue différents : le sien; celui de Alyssa Benedictus-Lasome, une professeure de l’Institut de Sorcellerie et des Sciences; et celui de Fex, l’apprenti et assistant de Dennis au magasin de potions. Même s’ils ont tous été entraînés dans le cas, les personnages gardent cependant leurs propres arcs et objectifs. Les perspectives alternées font avancer l’histoire rapidement; l’obstacle rencontré par l’un des personnages n’empêche pas les autres de continuer à creuser plus profondément dans l’affaire.
Alyssa, experte en magie Fey, est une professeure plutôt isolée qui a vécu dans l’Institut depuis plus d’une décennie. Comme Zane, elle se sent personnellement responsable dans cette affaire, car elle appartenait au même département que Denis. Alyssa est capable de parler à des êtres Fey qui ne se seraient jamais ouverts à Zane, et Zane est capable de montrer à Alyssa certains des aspects les plus positifs de la ville. J’ai vraiment apprécié la façon dont ils se complètent, et j’aimerais lire plus d’histoires dans lesquelles ils travaillent ensemble pour résoudre plus de mystères.
La perspective de Fex ajoute une autre dimension au récit, car elle permet à Reed d’explorer le racisme fantastique. Fex est un gnome, l’un des nombreux peuples Fey vivant à Alviun. Terriblement méprisé et maltraité par de nombreux humains, mis à part Dennis, Vana, Alyssa et Zane, Fex est capable de manipuler les attentes qu’ont les humains envers lui afin de les tromper dans le but de faire avancer ses propres gains personnels. Son point de vue permet au lecteur de voir à quel point les commentaires racistes plus subtils qui manquent à Zane sont blessants pour Fex. Alors que le racisme fantastique—et les représentations du racisme en général—peuvent être un territoire délicat pour les romans fantasy, Reed navigue habilement ce champ de mines, produisant un travail d’autant plus riche.
Je ne vais pas gâcher la fin du livre, alors je vous dévoilerai seulement ceci: le point culminant est vraiment satisfaisant. Bien que j’aie pu deviner l’un des multiples rebondissements, je n’ai pas pu prédire exactement le dénouement, prouvant qu’il s’agit effectivement d’un bon roman policier.
The Wizard’s Brew est un premier roman époustouflant qui a su s’intégrer parfaitement dans le sous-genre mystère de la fantasy urbaine. Le monde créé par Reed peint une vision unique des vieux mythes. Le livre est rapide et bien tracé; les rares moments statiques ont servi à développer les personnages, ce que j’ai grandement apprécié. Je garderai certainement un œil sur Jordan Reed. J’adorerais lire plus de livres dans cette série, surtout si Zane et Alyssa deviennent des partenaires pour les crimes futurs.