Par Yu Hong

 

C’était pendant l’été du 375e de Montréal; je le lisais durant mes pauses, au travail. Par temps de canicule, ce roman a su me rafraîchir; par temps pluvieux et venteux, il m’a plutôt glacé le sang, bien que j’eue été enveloppée dans plus de trois couches de vêtements. Malgré tout, cette lecture a été une belle aventure littéraire, qui a refaçonné et déformé l’histoire de Montréal que j’avais apprise dans mes cours du secondaire. Ce livre, c’est Demonica, écrit par Hervé Gagnon et paru aux Éditions Recto-Verso en 2016. C’est un roman d’horreur dont l’histoire se passe à l’époque des Guerres de Religion en France, dans un petit hameau fictif du nom de Havre-Grâce, dans l’archipel d’Hochelaga.

 

Havre-Grâce est ainsi nommé par les colons qui le fondent, parce qu’il représente l’espoir d’une nouvelle et meilleure vie pour eux. Ce sont des Français protestants, qui ont fui la France catholique en 1563 et qui ont réussi à traverser l’Atlantique dans de terribles conditions. Or, ils découvriront après un moment que les lieux sont en fait maudits, désertés des Amérindiens qui y ont vécu très peu longtemps. En effet, malgré l’été chaud et abondant en nourriture qui accueille ces gens, l’hiver frappe fort et tôt, en même temps que survient un esprit maléfique qui rôde dans les alentours. Les colons tentent de survivre aux dangers soudains qui les assaillent, et ce, par tous les moyens, y compris les méthodes les moins honorables…

 

La structure narrative du roman, accrocheuse, m’a convaincue de tourner les pages jusqu’à la fin, alors que j’étais tourmentée par deux émotions : d’abord, la compassion envers des personnages malmenés par une main invisible, comme la pauvre fillette devenue folle durant la traversée de l’Atlantique, par qui le mal semble avoir pu envahir le village, puis l’envie de découvrir la cause de la malédiction qui est tombée sur ces gens.

 

Crédit : Yu Hong

 

Contrairement à ce que d’autres histoires m’ont déjà fait vivre, je n’ai pas ressenti d’espoir dans ce qu’affrontaient les habitants de Havre-Grâce. Ce récit m’a plutôt laissée très impuissante face aux événements malheureux qui frappaient les personnages, car chaque fois qu’une étincelle d’espoir semblait surgir dans leur désespoir, tout basculait à nouveau dans le pire quelques pages, voire quelques lignes plus tard. Dans ce livre, il n’y a pas de miracles, et l’évolution du récit ne fait qu’exposer la froide cruauté de la situation. Cela m’a certes gardée tendue tout au long de ma lecture, mais je pense que c’est un point positif, même si c’est peut-être simplement une caractéristique habituelle des – bonnes – histoires d’horreur. Après tout, j’aime lorsqu’une surprise m’attend derrière chaque page d’un livre! Cependant, je dois avouer que la révélation partielle du terrible secret qui entoure le pauvre village de Havre-Grâce m’a un peu déçue. Je trouve que la fin du roman n’a pas su rester à la hauteur de l’incroyable suspense que j’ai ressenti durant les 251 premières pages, des péripéties riches et captivantes qui se sont éteintes d’une manière un peu trop vite à mon avis… Ou est-ce moi qui n’ai pas bien compris: qu’est-il réellement arrivé à Havre-Grâce, que j’ai tout de suite assimilé à ma ville, pour qu’il devienne hanté?!

 

Néanmoins, alors qu’approchent les derniers mois du 375e anniversaire de Montréal, je trouve que Demonica demeure une lecture captivante, que je vous suggère de faire si vous vous cherchez un livre pour vous faire oublier la malédiction actuelle des examens de mi-session qui commence à se faire sentir! Peut-être que vous ne ressentirez pas ma déception post-lecture et que vous pourrez m’expliquer ce que je ne semble pas avoir compris du dénouement de Demonica, mais vous partagerez SÛREMENT mon plaisir d’entrer sans trop de danger dans l’enfer glacé qu’a su construire Hervé Gagnon!

 

Révision : Alina Orza et Mathieu Lauzon-Dicso