Par Dorsa Afshin

 

« Incalculable » qualifie très bien le degré d’excitation que j’ai ressentie l’an dernier, au moment où j’ai appris que la quatrième saison de la télésérie Black Mirror allait être diffusée à la fin de décembre 2017 sur la plateforme Netflix. Pourquoi? Eh bien, c’est que Black Mirror est l’une de mes séries préférées, parce qu’elle fait réellement réfléchir tout en proposant du divertissement de qualité. Chaque fois qu’une nouvelle saison est offerte, je ne peux m’empêcher de tout mettre de côté et de l’engloutir en une fin de semaine, ce que j’ai fait à nouveau durant les vacances!

 

Black Mirror met en scène différents futurs, parfois totalement apocalyptiques, mais plus souvent très proches de notre réalité, qui s’en distinguent toutefois par des applications technologiques inscrites au cœur de chacune des intrigues, et qui sont la cause du décès ou des grandes misères des personnages. Chaque épisode est indépendant et explore une technologie différente : cette saison-ci, les six épisodes mettent de l’avant les univers virtuels et les puces intradermes (USS Callister), les technologies de surveillance parentale (Arkangel), le pistage des souvenirs (Crocodile), les réseaux sociaux et les sites de rencontres (Hang the DJ), la robotisation paramilitaire (Metalhead) et le « divertissement » neurologique (Black Museum). Et malgré la diversité thématique de l’ensemble, chaque épisode reprend un message commun : l’intrusion des technologies dans la vie privée et dans la sphère sociale peut autant simplifier et améliorer la vie qu’y nuire. En effet, même si ce ne sont pas tous les épisodes qui approchent la question sous un angle pessimiste, ceux qui le font réussissent à nous sortir de notre zone de confort et nous obligent à la réflexion. Puisqu’ils ne peuvent pas manquer de reconnaître des facettes de leur quotidien dans les histoires de Black Mirror, les spectateurs y réagissent avec intensité; la série provoque la crainte, elle nous secoue viscéralement et nous amène à remettre en question nos habitudes de consommateurs, alors que les événements qui se produisent à l’écran en viennent à quitter l’impossible de la science-fiction pour entrer dans le probable, si ce n’est pas littéralement dans le réel actuel.

 

Crédit photo : Dorsa Afshin

 

Je crois personnellement que la quatrième saison est plus pessimiste et plus sombre, voire horrifique que les précédentes. Malgré quelques épisodes avec des fins plus heureuses que les autres, la plupart m’ont fait frissonner du début à la fin : ce n’est pas seulement à cause du fonctionnement terrifiant des diverses technologies ou des répercussions néfastes qu’elles peuvent toutes potentiellement avoir sur la société, mais plutôt de leur capacité à donner de la puissance à des individus désaxés, qui sans elles ne seraient pas en mesure d’assouvir leurs fantasmes dangereux, fatals dans certains cas. Dans un monde où la technologie sert de cadre à la vie privée, comment empêche-t-on ceux qui savent la manipuler de faire de même avec les secrets des gens?

 

Bien honnêtement, une question qui m’angoisse davantage depuis que j’ai terminé cette saison de Black Mirror concerne la définition même de la vie privée : à quel point l’est-elle vraiment? À quel point la situation a-t-elle changé en quelques années seulement? En classe, j’ai pu observer que plusieurs étudiants mettent un autocollant sur la lentille de la caméra de leurs ordinateurs; moi-même, j’ai commencé à le faire. Une de mes amies m’a d’ailleurs déjà prévenue de la facilité qu’il y a à pirater et à contrôler la caméra d’un ordinateur, sans pour autant que la lumière ne s’allume… Bref, il se pourrait bien qu’en ce moment même, quelqu’un vous enregistre… Il y a aussi les systèmes de GPS intégrés dans les cellulaires et les tablettes, qui peuvent détecter votre localisation et vos itinéraires très aisément; après tout, il y a de bonnes chances pour que vous fassiez comme moi et que vous vous déplaciez avec vos appareils électroniques en tout temps… Cela veut-il dire que quelqu’un, quelque part, sait où nous sommes présentement et où nous irons ensuite?

 

Crédit photo : Dorsa Afshin

 

Je ne veux pas finir cet article en parlant de théorie du complot, mais simplement poursuivre le dialogue avec vous sur ces questions et sur ce qu’en fait la série Black Mirror. Même si ce sont des récits fictifs, on ne devrait pas ignorer que la société de consommation dans laquelle nous vivons rend possible le développement effréné des nouvelles technologies, en particulier celles de l’information. Et je ne crois pas que bien des gens réalisent entièrement l’influence pratiquement omniprésente qu’elles exercent sur nous. Alors, oui, Black Mirror est une excellente télésérie, sans laquelle je n’adopterais pas le regard craintif avec lequel je vois venir ce que le futur nous réserve. Et si j’en redemande malgré tout, c’est parce que la série est si bien exécutée qu’il m’est simplement impossible de ne pas l’aimer!

 

(Cependant, prenez garde! Parce que certaines prédictions de la série sont déjà en train de se réaliser! Par exemple, dans l’épisode Crocodile, il est question d’un véhicule de livraison de pizzas qui n’a besoin d’aucun chauffeur pour se promener dans les rues et qui joue un rôle important dans l’intrigue. Or, voyez ce que la chaîne de restaurants Pizza Hut annonçait en janvier dernier! Et dans l’épisode Metalhead, qui sort du lot par son ambiance lourde et son esthétisme noir et blanc, l’héroïne doit survivre dans un monde hostile malgré un « robot-chien » qui la traque sans relâche afin de l’éliminer froidement, et les créateurs ont expliqué que pour imaginer leurs robots, ils se sont inspirés de ceux, bien réels, qu’a créés l’entreprise américaine Boston Dynamics… Des frissons, je vous dis!)

 

Révision : Amalia Greve Danielsen et Mathieu Lauzon-Dicso

 

https://www.youtube.com/watch?v=5ELQ6u_5YYM