By | Par Magdalena Nitchi

“It is a queer business, making oneself blind.” This quotation, which appears even before the title of the book, is how Ursula K. Le Guin chose to begin the novel Gifts. From there, she quickly draws the reader into a magical and dangerous world, in which a young man named Orrec must blind himself to help his father and the people of their domain survive.

Gifts est un récit excitant qui transporte le lecteur dans un univers aux allures anciennes et qui explore les thèmes du sentiment d’appartenance et de la rébellion adolescente, eux-mêmes très souvent abordés dans la littérature Young Adult. Alors que plusieurs autres auteurs imaginent quels défis peuvent surgir lorsqu’il est question de l’appartenance à une collectivité dans un contexte de fiction futuriste ou dystopique, Le Guin convoque plutôt un passé pseudo médiéval, celui d’une région nommée « Uplands ». La terre y est divisée en seigneuries, chacune dirigée par un « Brantor ». Gifts est un livre vraiment divertissant, je l’ai lu en une seule fin de semaine parce que je trouvais l’histoire irrésistible.

Orrec, the son of a Brantor, has inherited his father’s “gift.” Gifts are specific powers, passed down through the bloodline of each family. These abilities range widely from summoning animals, to lighting fires, or even inflicting a deadly, wasting illness on others. Each domain has a Brantor with a different gift, which they must use to defend their territory. Unfortunately, Orrec’s gift is out of control, and he risks killing the ones he loves most if he so much as looks at them. This is why, for the good of everyone, he must blind himself.

Heureusement, son amie Gry est à ses côtés pour l’aider. Élevés ensemble depuis leur enfance, ils sont liés par une profonde amitié. Les plaisanteries qu’ils échangent sont rafraichissantes, et leurs conversations contrastent bellement avec les passages plus sombres de l’histoire. Ils servent aussi à aider les lecteurs à bien comprendre le fonctionnement de ce monde, faussement similaire au nôtre. Par exemple, lorsque les deux amis discutent du concept de « fiançailles » et du fait que Gry est promise à un autre homme, on réalise la lourdeur des conventions du mariage en Uplands et l’étouffement ressenti par Gry et Orrec. Puis, redevenant soudainement légers et joyeux, ils se défient dans une course amicale, nous rappelant que le roman est avant tout l’histoire contrastée du passage à l’âge adulte.

Gifts is the first book in the Annals of the Western Shore trilogy. While the first book in a fantasy series will often take a good chapter or two in order to set up the world and explain how it works, I was pleasantly surprised to find that in this book, the world building is seamlessly woven into the story, and is only really noticeable if you’re trying to find it. The descriptions of the Uplands and the other far-off southern regions add colour to the story, and Le Guin effortlessly sets up the rules and attitudes of the society without going into unnecessary detail.

Le respect pour les mots et les histoires, dont témoignent tant les personnages que Le Guin elle-même, est un autre puissant aspect de ce roman. Chaque fois qu’un personnage s’apprête à raconter une histoire dans le livre, les autres autour de lui interrompent ce qu’ils font, écoutent attentivement et absorbent les leçons du récit. Même la compagnie d’un voleur peut être tolérée si cela signifie qu’on découvrira les histoires qu’il saurait certainement fournir. Lorsqu’un auteur a une passion aussi grande pour les mots et les histoires, je trouve que ça se reflète dans ses livres, et j’ai ressenti cette passion de Le Guin dans Gifts à travers les gestes de ses personnages. Même si la majorité de la population des Uplands ne peut pas lire, ils n’en partagent pas moins une forte tradition de la narration orale, qui imprègne tout le récit. Par exemple, lorsqu’Orrec commence à raconter une histoire, les autres arrêtent pour l’écouter avec curiosité et respect. Les mots eux-mêmes ont aussi un rôle crucial. Par exemple, pour utiliser son don, Orrec doit chuchoter un mot spécifique lorsqu’il fait le geste de la destruction. Même si les mots sont utilisés pour créer des liens entre les gens, Le Guin nous rappelle qu’ils peuvent aussi avoir des pouvoirs profondément destructeurs.

Il y a aussi des échos de récits héroïques propres à nos temps médiévaux dans les histoires qu’Orrec aime entendre, ainsi que dans celle qu’il vit lui-même. C’est un récit de héros magnifiques qu’on ne peut pas s’empêcher d’aimer.

Le respect en général est une des qualités légendaires de l’écriture de Le Guin. Dans les genres de l’imaginaire, il y a une tendance à observer l’autre, mais des fois, l’observateur manque de respect envers les « autres » en question. Dans les Uplands, un endroit très isolé, ce serait très facile d’avoir des personnages ignorants, qui perpétuent des stéréotypes. Par contre, Le Guin traite tous les personnages avec la même considération et avec respect, et cela rend la lecture de Gifts encore plus agréable. Par exemple, même un voleur est accueilli dans la maison d’Orrec pendant un dur hiver et il sait raconter des histoires des terres au sud des Uplands afin de montrer sa gratitude pour l’hospitalité qu’il reçoit.

© Magdalena Nitchi

I also enjoyed the way Le Guin deals with gender roles and societal expectations in Gifts. Powers in this universe are passed down, not only through families, but from father to son or mother to daughter. The “Brantors” are all men, and they are the ones who make decisions and go to war with one another over land disputes. The main, female character with a gift is Gry, who masterfully controls the gift of calling animals. Her calm control is in stark contrast to Orrec and the other Brantors. For the men in Gifts, being able to control their gift is crucial. If they are unable to wield a gift with great destructive power, they will inevitably lose their domain and be destroyed by another, stronger man. While Orrec’s gift is meant to protect people, Gry’s gift is meant to serve the community by calling the animals to hunt. Orrec is loathe to use his gift specifically because he does not want to hurt others. This is why he ends up blinding himself, even if it means he now has to adapt to a new disability. This makes others afraid of him, but he views blinding himself as a noble sacrifice, which allows him to help others without needing to use the destructive power of his gift. While both Orrec and Gry want to reject their gifts, the impact and the way in which the situation is handled by their respective parents is very different. Before Orrec blinds himself, his father continues to try to force him to use the gift, while Gry’s mother simply gives her the cold shoulder and tries to marry her off. The contrast between the direct and indirect approach reflects the way everyone seems to approach Gry and Orrec throughout the novel. I especially find the way Le Guin depicts Gry, who stands up to this patriarchal society, immensely satisfying. Orrec may be the protagonist, but Gry is a welcome second, and the bond between these two contrasting characters provides a delightful addition to an already lovely story.

Même si le sexisme est très commun dans les histoires de fantasy pseudo mediévale, je trouve que Le Guin a très bien abordé ce thème. Sous les grands actes sexistes, il y a des commentaires sur la masculinité toxique qui continue de se perpétuer aujourd’hui, et la façon dont Orrec se défend de ceux qui essaient de le forcer à changer s’avère très satisfaisante. La bravoure de Gry et la compassion durable exprimée par Orrec s’attardent dans la mémoire des lecteurs même après la fin du livre. Dans le climat politique actuel, ce livre publié en 2004 présente une lecture intéressante et nuancée. Un peu à l’image des nombreux mouvements qui essaient de promouvoir les exploits accomplis par des femmes, le fait de proposer une protagoniste forte, qui résiste aux pressions sociétales et qui n’accepte pas de se soumettre aux hommes, peut être une bonne source d’inspiration pour les jeunes lectrices d’aujourd’hui.

En somme, dans Gifts, Ursula K. Le Guin a créé une histoire de fantasy absolument sublime. Ce livre a un dénouement satisfaisant, mais je suis contente d’avoir acheté les deux autres livres de la trilogie. J’ai hâte de continuer à suivre l’histoire d’Orrec et de Gry, et de continuer à découvrir leur monde.

Révision : Audrey Schafer

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